La planète malade
Je ne sais pas ce qui se passe,
Dit la Terre : j’ai mal au coeur !
Ai-je trop tourné dans l’espace
Ou bu trop d’amères liqueurs ?
Les boues rouges, les pluies acides,
Le vert-de-gris dans l’or du Rhin,
Les défoliants, les pesticides,
N’en voilà des poisons malins !
C’est si fort que j’en perds la boule,
J’en ai les pôles de travers,
Ma tête à tant rouler se saoule :
Je vois l’univers à l’envers !
Je songe à ma rondeur de pomme
Dans le commencement des temps,
Juste avant que la dent de l’homme
Ne vienne se planter dedans.
J’étais rouge et bleue, j’étais verte :
Air pur, eau pure, oh ! mes enfants !
La vie partout, la vie offerte
À profusion, à coeur battant !
Puis vint la guerre : chasse à l’homme.
Puis la chasse : guerre à la bête.
À bas l’oiseau ! Mort à l’énorme !
Il faut mettre au pas la planète !
À présent, la chimie me ronge,
Je compte mes baleines bleues,
Mes pandas, mes oiseaux de songe
Qui ferment un à un les yeux.
Au secours, les enfants des hommes !
Le printemps perd son goût de miel.
Redonnez sa fraîcheur de pomme
À la terre, fruit du soleil !
Marc Alyn,
Compagnons de la marjolaine, 1986.