Les papillons un soir d’été voletant au hasard des brises rencontrèrent l’ombre nocturne d’une maison de pauvres gens.
Derrière la lucarne ouverte, ils aperçurent une bougie qui brûlait dans le noir profond.
Ils s’émurent, s’éberluèrent. Ils n’avaient jamais vu qu’en songe de semblables lueurs perdues dans l’infini désert des nuits. Sur la branche basse d’un arbre ils s’assemblèrent, frémissants.
- Oh sa beauté ! se dirent-ils.
- Oh sa droiture, sa noblesse !
- C’est une larme de déesse !
- Une goutte de sang divin !
- Sentez-vous comme cette flamme nous appelle ? dit le plus vieux. C’est la lumière de l’amour. Nous l’avons vue, et désormais nous ne pourrons vivre sans elle. L’un d’entre nous doit l’approcher et ramener de ses nouvelles. Elle est notre rêve vivant.
L’un d’eux fut donc à la lucarne. Il se posa sur le rebord. La flamme eut un frisson menu. La pénombre alentour s’émut. Il s’effraya, revint en hâte, décrivit la chose aperçue. Le vieux soupira, il lui dit :
- Tu n’as pas approché la flamme. Que peux-tu savoir de sa vie, de ses passions, de ses désirs ? Rien. Tais-toi donc. Cesse de geindre.
On envoya un autre expert. Celui-là franchit bravement le seuil obscur de la lucarne, effleura la pointe du feu, poussa un cri de papillon, vira de bord, l’aile fumante, et s’en revint à la nuit fraîche en braillant qu’il s’était brûlé.
- Insuffisant, grogna le vieux. Nous voulons en savoir davantage.
Un troisième, ivre de passion, s’en fut sans qu’on le lui demande. Il entra, embrassa la flamme, s’embrasa, partit en fumée. On vit de loin ce compagnon un bref instant éblouir l’ombre.
- Lui seul sait ce qu’amour veut dire, murmura le vieux papillon. Il a eu, c’est incontestable, des nouvelles de son aimée.
Henry Gougaud