
Sommes-nous tous ou presque intolérants au gluten ?
La question peut se poser devant la déferlante, depuis quelques mois, tant en Europe qu’aux États-Unis, des adeptes du régime sans gluten qui ne cessent de clamer ses bienfaits, people et sportifs de haut niveau en tête.
- Le gluten, c’est quoi ?
- Qu’est-ce que l’intolérance au gluten ?
- Comment savoir si on a une intolérance au gluten ?
- Faut-il se mettre au régime sans gluten ?
Le gluten, c’est quoi ?
Une substance composée essentiellement de deux protéines qui se trouve dans les graines des céréales, sauf dans celles du maïs et du riz.
Le gluten ne se dissout pas dans l’eau. Mélangé avec celle-ci, il forme une masse visqueuse, collante et élastique (d’où son nom, issu de « glu »).
C’est cette propriété qui permet de fabriquer du pain : les bulles de gaz carbonique (CO2) qui se forment lors de la fermentation de la pâte sont enfermées dans le réseau formé par le gluten, ce qui la fait « lever » mais lui donne aussi son élasticité et sa souplesse, ce qui permet de la mastiquer ensuite facilement quand le pain est cuit.
Bien évidemment, c’est le même phénomène qui intervient dans les gâteaux à pâte levée. Sans gluten, pas de brioche !
Par ailleurs, le gluten extrait du blé et réduit en poudre est très employé dans la boulangerie industrielle mais aussi dans l’industrie alimentaire pour épaissir et donner du liant à certaines préparations genre sauces, plats cuisinés.
Autrement dit, en dehors du pain, des pâtes et des très nombreux autres produits à base de farine de blé, de seigle, d’avoine et d’orge, le gluten est très présent dans notre alimentation.
Qu’est-ce que l’intolérance au gluten ?
C’est une maladie digestive très compliquée, appelée maladie cœliaque, et qui n’est pas récente. Elle fut décrite la toute première fois au 2ème siècle par Aretius de Cappadoce, un médecin grec. De là vient son nom, dérivé du mot grec koelia, qui signifie « abdomen ».
En 1888, un médecin anglais, Samuel Gee, en détaille les symptômes chez l’enfant : diarrhée chronique, anorexie, fatigue, ventre ballonné, etc. En 1950 et en Hollande, un jeune médecin, D.W. Dicke, publie sa thèse sur le rôle essentiel des céréales et l’intérêt du régime sans gluten.
Les recherches se sont poursuivies ensuite permettant de mieux décrire le rôle du gluten dans cette maladie cœliaque. On sait maintenant que c’est une maladie immunitaire : le gluten déclenche une réaction inflammatoire de la muqueuse intestinale (d’où l’autre nom d’intolérance au gluten). Peu à peu, celle-ci s’abîme et ne fait plus correctement son boulot. La digestion se fait mal et l’absorption des éléments nutritionnels est de plus en plus perturbée.
D’où un tas de catastrophes survenant au fil des ans. Elles vont de la fatigue à l’anémie et à la perte de poids, en passant par l’ostéoporose, l’installation d’une autre intolérance, celle au lactose, des atteintes diverses et variées du système nerveux, des douleurs articulaires et même parfois une dermatite herpétiforme (démangeaisons, cloques rouges).
On ne sait toujours pas pourquoi certain(e)s sont victimes d’une intolérance au gluten. On est seulement certain que c’est en grande partie héréditaire : on en a même identifié les principaux gènes. On sait aussi que les diabétiques de type 1 courent plus le risque d’en développer une.
Comment savoir si on a une intolérance au gluten ?
L’intolérance au gluten se manifeste par des troubles divers et variés, allant de la constipation aux diarrhées, en passant par les ballonnements, les crampes intestinales, les nausées. Parfois aussi par des douleurs articulaires, de la déprime, des démangeaisons et des rougeurs.
Mais tous ces symptômes peuvent avoir d’autres origines, en particulier les troubles digestifs qui sont les mêmes que ceux du fameux côlon irritable, tellement fréquent.
C’est pourquoi le diagnostic de l’intolérance au gluten est très difficile à établir à partir seulement des symptômes.
Il existe heureusement un test sanguin qui détecte les anticorps spécifiques de l’intolérance au gluten. S’il se révèle positif, on fait alors une biopsie, un prélèvement des tissus dans l’intestin grêle qui permet de juger de la gravité de l’atteinte de la muqueuse. La mise au régime sans gluten ensuite confirme ou infirme le diagnostic.
On estime actuellement que 1 personne sur 100 souffre de maladie cœliaque. Mais ce chiffre est remis en question et il serait en moyenne de 1 personne sur 270 dans les pays occidentaux. Selon certains chercheurs, il serait même plus élevé, faute de dépistage systématique.
Faut-il se mettre au régime sans gluten ?
Un régime difficile à suivre
Même s’il existe de nombreux produits « sans gluten » ou « gluten free » et une Association Française des Intolérants au gluten qui en tient une liste précise, même si quelques restaurants « sans gluten » existent, même si, sur Air-France, on peut commander un plateau « sans gluten », le régime est particulièrement difficile à suivre étant donné la fréquence de cette substance parfois cachée dans les produits industriels. Mais aussi, et surtout, parce que le fait de se passer de tous les produits issus des céréales autres que le maïs et le riz est loin d’être évident.
Si vous pensez que vous souffrez de la maladie cœliaque, il faut d’abord consulter un gastro-entérologue, et ce avant d’entamer un régime sans gluten car alors les résultats du test sanguin seront faussés.
Mais si vous voulez plonger dans ce régime pour tenter d’être aussi performant que le champion de tennis Novak Djokovitch (chez qui une vraie maladie cœliaque a été diagnostiquée en 2011) et/ou d’obtenir la minceur et la jolie peau des stars américaines qui revendiquent d’être « gluten free », bref, de céder à la mode actuelle, vous devez vraiment bien y réfléchir.
Vous ne risquez pas vraiment de carence nutritionnelle mais vous vous exposez sévèrement à une carence sociale et familiale.
En effet, vous serez obligé(e), sauf dans un restaurant «sans gluten », de manger tout(e) seul(e). Il est évidemment hors de question de mettre vos enfants à ce régime.
Il n’est pas évident non plus d’arriver chez des amis ou chez Tatie Danièle avec votre-manger-sans-gluten dans une boîte ou de faire le tri sélectif tout au long du repas !
Article publié par Paule Neyrat, Diététicienne le 13/08/2013
Sources : Gee S. On the coeliac affection. St Bartholomew’s Hospital Reports 1888 ; 24 : 17-20.
Green PH. The many faces of celiac disease: clinical presentation of celiac dis- ease in the adult population. Gastroenterology 2005 ; 128 (Suppl. 1) : S74-8.
Sprue – maladie coeliaque, une maladie aux multiples visages. Patrick Aepli, Dominique Criblez . Forum Med Suisse 2011;11(49):907–912.