Il était une fois une petite fille qui avait plein de désirs, mais vraiment plein de désirs. Des désirs tous azimuts, multiples, qui se combattaient en elle, qui se concurrençaient. Dans sa vie de tous les jours, elle n’arrivait pas à faire des choix : étudier tel ou tel auteur, suivre telle ou telle orientation.. faire telle ou telle activité, elle se sentait bloquée, coincée, incapable de prendre une décision. C’était terrible pour elle. Un jour elle décida de s’approcher de son père. Elle le fuyait depuis longtemps, elle le déqualifiait, voyant en lui plein de défauts.
Oui, elle décida de s’approcher plus près de lui.
Elle commença par lui écrire une lettre qui débuta ainsi :“Papa, je voudrais te dire combien tu es important pour moi, te dire aussi tout l’amour que j’ai pour toi et encore toutes les peurs qui m’habitent et qui m’empêchent de me laisser aller, d’être gentille et tendre avec toi. Nous qui étions si proches quand j’étais petite, te souviens tu quand je grimpais sur tes genoux ?
J’avais droit à un petit moment, à moi toute seule. Certains soirs je faisais semblant de m’endormir pour que tu me portes dans tes bras jusque dans ma chambre. Je me faisais très lourde pour te garder le plus longtemps possible. Je me souviens que j’aimais te peigner, je me souviens de plein de moments qui ne sont plus.
“Et je ne sais plus quand j’ai commencé à avoir peur de toi. Je ne sais plus quand tout a commencé à se coincer, quand quelque chose s’est fermé entre nous deux ! “Il n’y pas eu de drame, pas d’esclandre, juste une série d’événements tout bêtes, presque insignifiants mais qui soudain prenaient des proportions énormes.
“Puis un jour, tu as commencé à me faire des réflexions sur tout et rien . Et là j’ai commencé à te trouver bête, à te détester. Je trouvais que tu ne comprenais rien… j’avais l’impression que tu me rejetais, que tu ne m’aimais plus ! Que tu m’empêchais de vivre ! “Alors là, pour t’empêcher, j’ai fait l’inverse de tout ce que tu me disais de faire. Je voulais vraiment te blesser, te montrer que tu ne comprenais rien. Nous en avons beaucoup souffert tous les deux et moi pour rien au monde je ne l’aurais avoué.
“Papa, nous avons manqué de nous perdre plusieurs fois. Je ne pouvais rien te dire car tu avais réponse à tout. Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il me faut t’apprivoiser. J’ai envie de poser ma tête sur ton épaule, de me laisser aller en te chuchotant : “Papa, même si je suis devenue une femme, je reste ta fille, je te vois bien comme mon papa et je me vois comme ta fille.”
“J’ai besoin de t’apprivoiser papa,
de te retrouver pour pouvoir être celle que je suis.
“J’ai un grand soulagement de t’avoir écrit tout cela. Je n’attends pas de réponse, simplement que tu m’accueilles quand je viendrai près de toi, que tu m’ouvres grands les bras comme un papa tout heureux de retrouver sa fille
“Je t’embrasse très fort. Ta fille.”
Ainsi se termine le conte d’une ex-petite fille qui aurait tant voulu se rapprocher de son papa avant qu’il ne soit trop tard.
Jacques Salomé
Contes à guérir – Contes à grandir