Faire confiance
Faire confiance
Y a-t-il sentiment plus ambigu, plus complexe, plus instable que la confiance ? Car on ne peut la donner sans risque, sans toutefois l’accorder les yeux fermés. La confiance se donne sans assurance, mais se gagne au moyen de signes et se retire si elle est déçue. La confiance s’inspire ou se perd, ce qui en fait une disposition hésitante mais libre, fragile mais éclairée.
A mi-chemin entre crédulité et circonspection, entre ignorance et assurance, ce sentiment qui ne naît ni sans crainte ni sans gage est donc une forme de générosité inquiète, de foi sans certitude, de don sans garantie. La confiance est prudente et imprudente, on croit sur pièces en n’ayant que des signes.
Faut-il donc ou non l’accorder ? Faut-il faire confiance à la confiance ? Quoique ambivalente n’est-elle pas vertu plutôt que naïveté ? Par exemple, ne devient-elle pas aveugle à proportion d’une cécité moins grande ? Pour que la confiance soit totale, les signes ont dû se multiplier. La confiance croît à mesure que grandit l’assurance. Elle se donne donc d’autant plus qu’elle est plus sûre. Elle ne croît qu’en étant moins risquée.
Mais il y a plus, car sans attendre les signes qui la confortent, elle peut les faire naître en se manifestant. On l’observe presque toujours. L’adolescent honoré par elle se responsabilise ; le salarié reconnu travaillera mieux ; la faute pardonnée sera plus vite oubliée. La confiance est donc vertu car elle est l’acte de s’installer en l’autre sans tout attendre de lui, courage de se donner elle-même le préalable dont elle a besoin. En somme, elle s’assure rétrospectivement. Engendrant après coup sa légitimité, elle se garantit en se donnant.
Tel est le cercle vertueux de la confiance. Quel plus beau crédit faire aux autres et à soi ?
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